Samaa Marrakech 2025 : soufisme, patrimoine des médinas et musique spirituelle, du 4 au 7 décembre

Rédigé le 12/11/2025
دار سُبْحة

​Samaa Marrakech tient sa quatorzième édition du 4 au 7 décembre 2025 autour du thème “Marrakech, haut lieu pour le bonheur de l’âme”, en écho à la formule attribuée à Abû Hâmid al-Ghazâlî (“l’âme est telle la cité”), qui rappelle que l’architecture d’une ville peut devenir “le miroir du monde spirituel intérieur”. Les organisateurs situent cette édition sous le signe du Shaykh Ibn al-‘Arif et de l’héritage des maîtres du soufisme, avec un travail constant de mise en valeur des savoirs, des pratiques musicales et du patrimoine urbain



L’ouverture a lieu à la Bibliothèque Ben Youssef, cadre choisi pour une programmation qui mêle concerts spirituels et rencontres universitaires. “Samaa propose une occasion propice à la méditation, à la réflexion et au raccourci poétique, accompagnés de mélodies mouvantes”, souligne la direction artistique, qui insiste sur “l’importance de la dignité humaine” telle qu’elle transparaît dans le répertoire de madih et dans le dhikr. Le Divan soufi de Shaykh Ibn al-‘Arif donne le ton, avec des ensembles locaux et invités qui mettent en avant une tradition vivante.

Le colloque “Présent et avenir des médinas : Dar al-Madina” s’attache aux transformations de la médina de Marrakech, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial et au cœur d’un chantier royal de réhabilitation depuis 2014 sous l’impulsion de Mohammed VI. “Ces interventions massives sont inédites dans l’histoire séculaire de Marrakech”, relève la coordination scientifique, qui les replace dans une longue histoire de soins portés aux paysages urbains. La discussion revient sur la notion de “patrimoine immatériel” telle que normalisée par l’Unesco, afin d’éclairer la culture urbaine, ses pratiques et ses arts, des jardins à la musique, en passant par les métiers, les arts du livre et l’ingénierie hydraulique.

Une séquence est consacrée à la restitution “à l’identique” des monuments, avec, au centre, le Palais El Badi. “La restitution à l’identique des monuments historiques n’est pas très ancienne”, rappelle l’architecte Serge Santelli, en citant le campanile de Venise reconstruit après 1902. Le cas d’El Badi est présenté comme exemplaire : “œuvrer à sa restitution à l’identique permettra de porter à la connaissance du monde entier ce qu’était le plus grand et le plus somptueux palais impérial jamais construit dans le monde arabo-musulman”, argumentent les intervenants, qui conjuguent archives, plans et photographies pour étayer la proposition.

Le programme rend hommage au professeur Michel Chodkiewicz, figure majeure des études sur Ibn al-‘Arabî et le soufisme. La présentation d’un ouvrage collectif dédié à sa mémoire est portée par des chercheurs comme Denis Gril, Francesco Chiabotti, Jean‑Jacques Thibon, Samuela Pagani et Grégory Vandamme, sous la modération de Jaafar Kansoussi. “Actualités des études sur le soufisme” décrit l’état de la recherche et les directions nouvelles, dans une perspective qui relie l’érudition aux pratiques contemporaines.

Les concerts de Samaa rythment la rencontre, du madih au répertoire maroco-andalou. Un “As‑Sabbouhi” matinal au Jardin El Harti rappelle que la musique peut être un “moment de partage à l’aube”, et qu’elle “réveille la mémoire des lieux”. La Daqqa marrakchia, présentée comme “emblème musical de Marrakech”, conclut une séquence dédiée aux prosodies et aux arts populaires, avec des maîtres et artistes invités.

Un atelier explore la dimension spirituelle des cérémonies de préparation du pain, dirigé par le chercheur Francesco Chiabotti. “Le pain n’est pas seulement une nourriture ; il est le fruit d’une union entre le souffle et la terre”, expliquent les intervenants, en rappelant le Nom divin Ar‑Razzâq. Pour les soufis, la préparation du pain s’inscrit dans des rituels de dhikr ; sa symbolique relie “la vie, la subsistance et le partage”.

La partie patrimoniale comprend la présentation du “Recueil des plans de médinas du Maroc”, un travail de Serge Santelli qui prolonge des publications antérieures sur les villes anciennes. “Il s’agit de présenter les cartes et plans publiés jusqu’à la fin du XXe siècle”, indique l’auteur, qui ancre la réflexion dans l’histoire longue des formes urbaines maghrébines. Des hommages sont rendus aux architectes Elie Mouyal et Youssef Jerrari, pour leurs engagements en faveur du bâti de la médina et sa réhabilitation.

La clôture revient au Palais El Badi, avec un panel réunissant historiens et responsables du patrimoine. “Le centre symbolique de Marrakech mérite une narration renouvelée”, résume la coordination, qui propose de faire de la restitution un levier d’éducation, de transmission et d’attractivité culturelle. Dans l’ensemble, Samaa Marrakech articule une ambition : relier la pensée soufie, la musique vivante et la sauvegarde des paysages urbains, afin que, pour reprendre la formule de l’édition, “la cité devienne une joie de l’âme”.


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